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iv
ANALYSE CRITIQUE


rer d’une autre par la nature du mobile sur lequel elle s’appuie. D’après cela il doit y avoir deux sortes de législations distinctes : ou bien en effet on placera dans la considération même de la loi le principe qui doit déterminer la volonté, et l’idée du devoir que cette loi lui prescrit en sera aussi le mobile ; ou bien au contraire on cherchera un mobile qui assure l’obéissance à la loi ailleurs que dans la simple idée de cette loi, c’est-à-dire dans certaines inclinations ou certaines aversions de notre nature sensible. Dans le premier cas, la législation est proprement morale ; dans le second, elle est juridique. Tout le monde distingue dans les actions la moralité de la légalité : une action n’est vraiment morale que si elle a pour mobile le respect du devoir ou de la loi qui la prescrite pour qu’elle soit légale, il suffit qu’elle soit extérieurement conforme à la loi, quel qu’en soit d’ailleurs le mobile. Il résulte de cette distinction même que les actes imposés par la législation juridique ne peuvent être qu’extérieurs. En effet, la légalité n’exige qu’une chose : c’est que les actes soient extérieurement conformes à la loi ; quant au principe intérieur ou au mobile qui les détermine, c’est une affaire de pure moralité. Elle ne peut donc s’appliquer qu’à des actes extérieurs. Au contraire la législation morale veut qu’on donne pour mobile à l’obéissance à la loi le respect de la loi même, et par là elle se distingue de la législation juridique, laquelle est tout extérieure ; mais à son tour elle n’exclut pas les actes extérieurs, car elle embrasse tous les devoirs, tant extérieurs qu’intérieurs.

Distinction des devoirs de droit et des devoirs de vertu.

Précisons et expliquons avec Kant l’importante distinction qu’il s’agit d’établir ici, et qui doit servir de fondement à la division de la métaphysique des mœurs. Tout devoir par cela seul qu’il est un devoir, appartient à la morale ; mais, si ce devoir, en même temps qu’il nous est prescrit par la morale, peut être l’objet d’une législation extérieure, il a en outre un caractère juridique. Par exemple, la morale nous fait un devoir de remplir les engagements que nous avons contractés envers nos semblables, et ce devoir nous peut être justement imposé par une législation extérieure ; il a donc aussi un caractère juridique. Or, quoiqu’il s’agisse ici d’un seul et même devoir ; il faut bien distinguer ces deux choses : le point de vue moral proprement dit et le point de vue juridique. Au point de vue purement moral, le respect du devoir doit être l’unique mobile