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DROIT RÉEL.


est-il possible ? » Car, à l’égard de tout possesseur d’une chose, le droit ne signifie que la faculté qu’a l’individu d’user à son gré de cette chose[1] en tant que cette faculté peut être conçue comme contenue dans une volonté synthétiquement universelle et comme s’accordant avec la loi de cette volonté.
xxQuant aux corps placés sur une terre qui m’appartient déjà, ils m’appartiennent aussi, s’ils n’appartiennent pas d’ailleurs à quelque autre, sans que j’aie besoin pour cela d’aucun acte juridique particulier (non facto, sed lege). En effet, ils peuvent être considérés (jure rei meæ) comme des accidents inhérents à la substance, à laquelle appartient aussi tout ce qui est tellement lié à ma chose qu’on ne pourrait l’en séparer sans changer cette chose même (par exemple la dorure, le mélange d’une étoffe qui m’appartient avec d’autres matières, l’avantage qu’a mon terrain d’être baigné par une rivière contiguë, ou même l’agrandissement qui résulterait du changement de lit de cette rivière, etc.). Il faut décider d’après les mêmes principes la question de savoir si la propriété que je puis acquérir peut s’étendre au delà de la terre ferme, et embrasser une certaine étendue de la mer (si par exemple elle me donne exclusivement le droit de pêcher sur mes côtes du poisson ou de l’ambre, etc.). Ma possession va jusqu’où s’étend, à partir du lieu où je réside, mon pouvoir mécanique de la défendre contre toute entreprise étrangère (par exemple jusqu’où va la portée des canons qui gardent la côte), et la mer est fermée jusque-là (mare clausum). Mais, comme en pleine mer il n’y a pas même de domicile possible, la possession ne peut s’étendre jusque-là, et la haute mer est libre (mare liberum). Mais les hommes ou les choses à eux appartenant qui viennent échouer sur le rivage, le naufrage n’étant pas une chose volontaire, ne peuvent être considérés comme revenant au propriétaire du rivage ; car il n’y a pas de lésion commise (il n’y a pas même d’acte[2] en général), et la chose qui est venue échouer sur une terre appartenant à quel-
  1. Die Befugniss der besondern Willkühr zum Gebrauch eines Objects.
  2. Kein Faktum.