Page:Kant - Éléments métaphysiques de la doctrine du droit.djvu/38

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
xxviii
ANALYSE CRITIQUE


chacun à inspecter ce qui appartient à chacun. Dans un état où il n’y aurait que des volontés privées, nulle déclaration individuelle n’aurait force de loi, puisqu’il n’y aurait point de pouvoir public qui garantît à chacun le sien ; des lors il n’y aurait plus de mien ni de tien extérieurs. Ils ne sont donc possibles en ce sens que dans l’état civil. Ce n’est pas à dire cependant que cet état constitue et détermine le mien et le tien extérieurs : il les garantit, mais ne les crée pas ; il les suppose au contraire, puisqu’il a précisément pour but de les assurer. Le mien et le tien extérieurs et les droits qui s’y fondent préexistent à l’établissement de l’état civil ; même dans l’état de nature, il peut déjà y avoir un mien et un tien extérieurs réels, en ce sens que le droit de posséder quelque chose d’extérieur et d’en interdire l’usage à tout autre y existe déjà. Mais, comme ils ne trouvent leur garantie que dans l’état civil, je ne saurais ici parler de mon droit et le défendre légitimement qu’à la condition de me montrer moi-même disposé à entrer dans cet état et de contraindre les autres, autant qu’il est en mon pouvoir, à y entrer avec moi.

Mien et tien provisoires.


Si donc il peut y avoir un mien et un tien extérieurs dans l’état de nature, ils ne sont toujours que provisoires, puisqu’ils exigent qu’on ait en vue l’établissement de l’état civil, qui seul peut en rendre la possession péremptoire.


Kant n’a encore parlé que de la possession, dont il a déterminé le sens juridique ; mais la possession de quelque chose d’extérieur (et il ne s’agit ici que de celle-là) en suppose l’acquisition. Il a dit en quel sens on peut avoir à titre de sien quelque objet extérieur ; mais de quelle manière le peut-on acquérir, voilà ce qu’il faut aussi examiner 1[1]. Acquérir quelque chose (2)[2], c’est faire que quelque chose devienne sien ; l’acquisition est originaire, lorsque la chose que je fais mienne ne dérive pas de ce qu’un autre avait déjà fait sien.

Principe général de l’acquisition extérieure.


Le principe de l’acquisition ressort de la loi de la liberté extérieure ou du postulat de la raison pratique déjà posé : d’après ce postulat ou cette loi et sous la condition qu’elle prescrit, ce

  1. 1 P.82, 83.
  2. (2) C’est l’objet du chapitre II : De la manière d’acquérir quelque chose d’extérieur. Trad. franç., p. 84 et suiv.