Page:Kant - Éléments métaphysiques de la doctrine du droit.djvu/401

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serait avec mépris le collége médical qui lui ferait une pareille proposition ; car la justice cesse d’en être une, dès qu’elle se donne pour un prix.

Mais quel principe et quelle mesure la justice publique doit-elle suivre pour déterminer l’espèce et le degré du châtiment ? Il n’y en a pas d’autre que le principe de l’égalité (figuré par la position de l’aiguille dans la balance de la justice), qui consiste à n’incliner pas plus d’un côté que de l’autre. C’est en ce sens qu’on peut dire : le mal immérité que tu fais à un autre d’entre le peuple, tu te le fais à toi-même. Si tu l’outrages, tu t’outrages toi-même ; si tu le voles, tu te voles toi-même ; si tu le frappes, tu te frappes toi-même ; si tu le tues, tu te tues toi-même. Il n’y a que la loi du talion[1] (jus talionis), bien comprise, qui, à la barre du tribunal (non dans les jugements privés), puisse déterminer la qualité et la quantité de la punition ; toutes les autres sont vacillantes et ne peuvent, à cause des considérations étrangères qui s’y mêlent, s’accorder avec la sentence de la pure et stricte justice. Il semble, à la vérité, que la différence des conditions ne permette pas l’application du principe du talion d’égal à égal ; mais, si cette application n’est pas possible à la lettre, elle l’est toujours quant à l’effet, relativement à la manière de sentir de ceux qui appartiennent aux hautes classes de la société. — Ainsi, par exemple, une amende infligée pour une injure verbale n’a point de rapport à l’offense, car celui qui a beaucoup d’argent peut bien se permettre parfois ce

  1. Wiedervergeltungsrecht.