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DROIT POLITIQUE p. 203

doit servir de règle au pouvoir judiciaire, en tant qu'il se fonde à priori sur des lois universelles. Si pourtant le nombre des complices (correi) d'un crime de ce genre était si grand que l'État ne pourrait se défaire de tous les criminels, sans s'exposer à n'avoir bientôt plus de sujets, et si, d'un autre côté, il ne voulait pas se dissoudre, c'est-à-dire retomber dans un état bien pire encore, puisqu'il serait dépourvu de toute jus­tice extérieure, dans l'état de nature (surtout s'il ne voulait pas émousser la sensibilité du peuple par le spectacle d'un carnage), le souverain doit alors avoir aussi le pouvoir de jouer le rôle de juge (de le repré­senter) dans ce cas de nécessité (casus necessitatis), et de porter contre les criminels une sentence substituant à la peine de mort une autre peine, qui épargne la vie d'une partie du peuple, par exemple la peine de la déportation. Mais cela même ne peut être réglé par une loi publique; ce ne peut être qu'un décret souve­rain1, c'est-à-dire un acte du droit de majesté, lequel, comme droit de grâce, ne peut jamais s'exercer que dans les cas particuliers. Le marquis de Beccaria, par un faux sentiment d'humanité2 (compassibilitas), objecte que toute peine de mort est injuste, parce qu'elle n'a pu être comprise dans le contrat civil originaire. Autrement il au­rait fallu que chaque individu dans le peuple eût con­senti à perdre la vie, s'il venait à tuer quelqu'un ; or ce consentement est impossible, puisque personne ne


1 Machtspruch. — 2 Aus theilnehmender Empfindelei einer affectirten Humanitaet