Page:Kant - Éléments métaphysiques de la doctrine du droit.djvu/528

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ne se hasardent pas à fonder ouvertement leur politique sur de simples artifices de prudence, et par conséquent à refuser toute obéissance à l’idée du droit public (ce que l’on voit surtout dans le droit des gens), mais qu’ils lui rendent tous les honneurs qui lui sont dus, alors même qu’ils imaginent toutes sortes de subterfuges et de déguisements pour s’en écarter dans la pratique, et pour faire de la violence aidée de la ruse l’origine et le soutien de tout droit. — Pour mettre fin à ces sophismes (sinon à l’injustice qu’ils servent à déguiser) et forcer les faux représentants des puissances de la terre à avouer qu’ils ne plaident pas en faveur du droit, mais de la force, dont ils prennent le ton comme si elle leur donnait le droit de commander, il sera bon de dissiper l’illusion par laquelle ils s’abusent eux-mêmes et abusent les autres, de découvrir le principe suprême sur lequel se fonde le dessein d’arriver à la paix perpétuelle, et de montrer que tout le mal qui y met obstacle vient de ce que le moraliste politique commence là où finit naturellement le politique moraliste, et de ce que, en subordonnant ainsi les principes au but (c’est-à-dire en mettant la charrue avant les bœufs), il ruine son propre dessein, qui est de mettre la politique d’accord avec la morale.

Si l’on veut que la philosophie pratique soit partout conséquente avec elle-même, il faut d’abord résoudre la question de savoir si, dans les problèmes de la raison pratique, on doit débuter par le principe matériel de cette faculté, le but (comme objet de la volonté), ou bien par le principe formel, c’est-à-dire celui qui (concernant simplement la liberté dans les relations extérieures) s’énonce ainsi : agis de telle sorte que tu puisses vouloir que ta maxime devienne une loi générale (quel que soit le but que tu te proposes).

Il est indubitable qu’il faut commencer par ce dernier principe, car il renferme comme principe du droit une nécessité absolue, tandis que le premier n’est nécessitant que dans la supposition de certaines conditions empiriques, c’est-à-dire dans l’hypothèse d’un but que l’on se propose et qu’il s’agit d’atteindre par ce moyen ; et, quand ce but (par exemple la paix perpétuelle) serait lui-même un devoir, encore faudrait-il qu’il eût été déduit du principe formel des maximes de nos actions extérieures. — Or le premier principe, celui du moraliste politique (le problème du droit civil, de droit des gens et du