Page:Kant - Éléments métaphysiques de la doctrine du droit.djvu/556

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d’homme, il ne sort jamais de l’école de la sagesse, il ne peut, se prétendant mieux instruit par l’expérience sur ce qu’est un homme et sur ce que l’on peut exiger de lui, renvoyer à l’école avec un superbe dédain le partisan de la théorie. Toute cette expérience en effet ne lui sert de rien pour se soustraire aux préceptes de la théorie, mais seulement pour savoir quel est le moyen le meilleur et le plus général de mettre en pratique la théorie, quand on l’a une fois adoptée en principe. Or il n’est pas ici question de cette habileté pragmatique, mais des seuls principes.




II.

Du rapport de la théorie à la pratique dans le droit politique.

(Contre Hobbes.)

Parmi tous les contrats par lesquels une multitude d’hommes s’unissent pour former une société (pactum sociale), celui qui a pour but de fonder une société civile (pactum unionis civilis) est d’une espèce si particulière que, quoique au point de vue de l’exécution il ait beaucoup de points communs avec tout autre contrat (fondé également sur quelque but que l’on se propose de poursuivre en commun), il s’en distingue essentiellement par le principe de sa constitution (constitutionis civilis). L’union d’un certain nombre d’hommes en vue d’une fin (commune, que tous se proposent) est le caractère de tous les contrats d’affaire ; mais une union qui soit en elle-même une fin (que chacun doive se proposer), et qui par conséquent soit un devoir absolu et suprême dans tous les rapports extérieurs des hommes en général, qui ne peuvent s’empêcher d’exercer les uns sur les autres une influence réciproque, c’est ce que l’on ne peut trouver que dans une société civile, c’est-à-dire dans une société constituant une république[1]. Or la fin qui dans ces rapports extérieurs est un devoir en soi et même la condition formelle suprême (conditio sine qud non) de tous les autres devoirs extérieurs, est le droit des hommes réglé et garanti par

  1. Ein gemeines Wesen.