Page:Kant - Éléments métaphysiques de la doctrine du droit.djvu/571

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souverain, puisqu’il ne peut exercer de contrainte juridique que par son moyen , et que, des que cette volonté existe , il n’a encore aucune contrainte à exercer contre lui, puisqu’il serait alors le souverain maître , et que par conséquent le peuple n’a jamais droit de contrainte ( de résistance, soit en parole, soit en action), contre le chef suprême de l’État.

Nous voyons d’ailleurs cette théorie suffisamment confîrmée par la pratique. Si nous consultons la constitution de la Grande-Bretagne, que le peuple estime un modèle pour tout le monde, nous trouvons qu’elle passe tout à fait sous silence le droit qu’aurait le peuple dans le cas ou le monarque transgresserait le contrat de 1688, et que par conséquent, si elle se réserve la rébellion contre lui, dans le cas où il viendrait à la violer , c’est secrètement, puisqu’il n’y a point de loi à ce sujet, Car que la constitution contienne pour ce cas une loi qui autorise à renverser la constitution existante, d’où dérivent toutes les lois particulières (supposé même que le contrat soit violé), c’est là une évidente contradiction, puisqu’il faudrait alors qu’elle contint un contre-pouvoir publiquement constitué[1], et que par conséquent il y eût encore un second chef de l’État, qui défendit les droits du peuple contre le premier, et ensuite un troisième qui décidat entre les deux de quel côté est le droit. — Aussi ces directeurs du peuple ( on , si l’on veut , ces tuteurs), craignant une pareille accusation, si leur entreprise venait à échouer, ont-ils mieux aimé imputer faussement au monarque[2], effrayé par eux, une abdication volontaire que s’attribuer le droit de le déposer, ce qui eut mis la constitution en contradiction évidente avec elle-même.

Comme on ne me fera certainement pas, au sujet de ces assertions, le reproche de trop flatter les monarques, en leur attribuant cette inviolabilité , jespere aussi qu’on m’épargnera celui de me montrer trop favorable au peuple, en disant qu’il

  1. Nul droit dans l’Etat ne peut être sous-entendu, en quelque sorte sournoisement, au moyen d’nne restriction secrète, du moins celui que le peuple s’attribue comme inhérent à la constitution, car toutes les lois de cette constitution doivent être conçues comme émanant d’une volonté publique. ll faudrait donc, si la constitution permettait la résistance qu’elle définit clairement ce droit et la façon dont on peut en faire usage.
  2. Andichten.