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DE L'INTELLIGENCE


sance, soit faute de s’être placé au vrai point de vue. Extravaguer avec raison, c’est procéder par principes quant à la forme de ses pensées, il est vrai, mais en employant des moyens diamétralement opposés, quant à la matière ou au but, à ce but même.

Des subalternes ne doivent pas raisonner, parce que souvent il faut ou il convient que le principe d’après lequel on doit agir leur soit dissimulé, ou tout au moins inconnu. Mais le général doit avoir de la raison, parce qu’il ne peut recevoir une instruction pour tous les cas qui peuvent se présenter. Toutefois il est injuste d’exiger, en matière de religion, que le laïque ne fasse aucun usage de sa raison personnelle, et de lui faire un devoir de suivre une raison étrangère, celle de l’Église, puisque la religion doit être honorée à titre de Morale. En morale, en effet, chacun doit répondre de ses actions et même de ses omissions ; et le clerc [l’ecclésiastique] n’en prendra pas la responsabilité à ses propres risques, ou, s’il le fait, ce ne sera que pour son compte et sans que ceux qu’il dirige cessent d’être responsables.

Mais en ces sortes de choses les hommes sont portés à placer plutôt leur sécurité personnelle dans l’abandon de l’usage de leur propre raison, et à se soumettre passivement et absolument aux décrets des prêtres ; et cela moins par le sentiment de leur incapacité (car l’essentiel de toute religion est en définitive la morale, qui éclaire bien vite tout homme de sa lumière propre) que par ruse. Ils y croient trouver cet avantage, que si par hasard il y a quelque chose à re-