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COMPARAISON DES FACULTÉS DE CONNAITRE.


prendre dans la direction qu’on leur donne, la faute en retombera sur autrui, et surtout d’échapper à l’essentiel (le changement du cœur, la conversion) ; ce qui est un peu plus difficile que les pratiques du culte.

La sagesse, comme idée de l’usage pratique de la raison parfaitement d’accord avec la loi, est beaucoup trop attendue des autres hommes ; au plus bas degré même, elle ne peut être infusée dans notre âme par une main étrangère ; elle doit être notre propre ouvrage. Le précepte d’y parvenir renferme trois maximes propres à y conduire : 1o penser par soi-même ; 2o se concevoir à la place d’autrui (dans les relations avec nos semblables) ; 3o être toujours d’accord avec soi-même[1].

L’âge où l’homme acquiert le parfait usage de sa raison est environ de vingt ans, pour ce qui est de l’habileté (de l’aptitude artistique relative à un dessein formé) ; de quarante, s’il s’agit de la prudence (de faire servir les autres hommes à nos vues personnelles) ; enfin, de soixante, s’il s’agit de sagesse. Mais, à cette époque de la vie, la sagesse est plutôt négative encore que positive, en ce qu’elle consiste à reconnaître toutes les folies des deux premières, et qu’on peut dire alors : « Il est fâcheux d’être dans la nécessité de mourir quand à peine on sait comment on aurait dû vivre. » Encore ce jugement est-il assez rare, puisque

  1. Voyez plus bas, § LIX. Schub.