Page:Kant - Anthropologie.djvu/152

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— Que des gens se laissent duper par des inventeurs de trésors cachés, par des faiseurs d’or, par des teneurs de loterie, il y a là moins de stupidité que volonté mauvaise de vouloir s’enrichir aux dépens d’autrui sans prendre une peine proportionnée au gain qu’on veut faire. La ruse, la fourberie, l’astuce (versutia, astucia) est l’habileté à tromper les autres. La question est maintenant de savoir si le trompeur doit être plus habile que celui qui est facilement trompé, et si le dernier est le niais. L’homme loyal, qui donne facilement sa confiance (croit, accorde créance), sera bien aussi traité parfois d’imbécile, quoique fort injustement, parce qu’il est une proie facile pour un fripon. C’est ainsi qu’on dit : Quand les fous vont à la foire, les marchands se frottent les mains. Il est vrai et sage de ne plus s’en rapporter jamais à celui qui nous a trompés une fois, car il est corrompu dans ses principes. Mais c’est misanthropie de ne plus me fier à personne, parce qu’un seul m’a trompé. Le trompeur est, à proprement parler, le fou. — Mais comment cela si, par un coup de maître, il a su tout d’un coup se mettre en état de n’avoir besoin de personne ni de la confiance de qui que ce soit ? Dans ce cas, le caractère sous lequel il apparaît change bien, mais de cette manière : c’est qu’au lieu que le trompeur trompé est moqué, le trompeur heureux est conspué ; en quoi l’avantage n’est pas durable, comme on voit[1].

  1. Les originaires de la Palestine qui vivent parmi nous, se sont fait depuis leur exil, la plupart d’entre eux du moins, par leur