Page:Kant - Anthropologie.djvu/201

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sentir capricieuse (qui a sans doute été appelée lunatique dans le principe), qui est une disposition du sujet à des accès de joie ou de tristesse dont il ne peut lui-même rendre raison, et qui s’attache principalement aux hypocondriaques. Elle diffère tout à fait du talent humoriste (d’un Butler ou d’un Sterne), qui, par la situation à dessein renversée, où une intelligence spirituelle place les objets (en quelque sorte sur la tête), donne à l’auditeur ou au lecteur, avec une apparente niaiserie, la satisfaction de les redresser lui-même. — La sensibilité n’a rien de contraire à cette égalité d’âme, qui est une faculté et une force capables de laisser accès au plaisir ou à la peine, ou bien encore d’en garantir le cœur, et qui a par conséquent son choix. La sensiblerie est au contraire une faiblesse, qui consiste à se laisser affecter involontairement par une participation à l’état des autres, lesquels peuvent alors faire jouer à volonté l’organe de notre sensibilité. L’égalité d’âme est virile ; car l’homme qui veut épargner à une femme ou à un enfant des incommodités ou de la douleur, doit avoir un sentiment assez délicat pour juger la sensibilité des autres, non d’après sa force à lui, mais d’après leur faiblesse, et la délicatesse de sa sensation est nécessaire à la grandeur d’âme. Au contraire, la stérile participation de sentiment, qui consiste à se mettre sympathiquement à l’unisson avec les peines des autres, à souffrir simplement comme eux, est vaine et puérile. — Il peut et il doit donc y avoir de la piété dans la bonne humeur ; il peut et il doit y avoir un