Page:Kant - Anthropologie.djvu/208

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plement distinctif, ou bien encore affectif [par exemple s’il s’agit de savoir si quelque chose est doux ou amer, ou si ce qui est goûté (doux ou amer) est agréable]. La première espèce de goût peut amener un accord universel dans la manière de dénommer certaines matières, mais la seconde ne peut jamais donner un jugement d’une valeur universelle, par exemple (en fait d’amer), que ce qui m’est agréable le sera aussi pour tout le monde. La raison en est claire : le plaisir et la peine ne peuvent pas appartenir à la faculté de connaître par rapport aux objets ; ce ne sont que des déterminations du sujet, qui dès lors ne peuvent être attribuées à des objets extérieurs. — Le goût affectif renferme donc en même temps la notion d’une distinction par l’agréable ou le désagréable, que je rattache avec la représentation de l’objet dans la perception ou l’image.

Mais le goût s’entend aussi d’une faculté sensible non pas simplement de juger d’après une impression des sens et pour moi-même, mais encore de choisir d’après une règle certaine qu’on donne comme universellement valable. Cette règle peut être empirique, et en ce cas elle ne peut prétendre à aucune véritable universalité, à aucune nécessité par conséquent (dans le goût affectif, tout jugement d’autrui doit s’accorder avec le mien). — C’est ainsi que la règle du goût en fait de dîner est de commencer chez les Allemands par un potage, chez les Anglais par des aliments solides, parce que l’imitation en a fait insensiblement une habitude dans l’ordonnance d’une table.