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DU SENTIMENT DU BEAU. 199

sensation physique, qui peut varier beaucoup suivant la différence de la capacité physique des sujets. — On peut donc définir le goût : « La faculté que possède le jugement esthétique de prononcer universellement. » Il y a donc dans l'imagination une faculté de juger socialement des objets extérieurs. — L'esprit sent alors sa liberté dans le jeu des images (par conséquent de la sensibilité) ; car la sensibilité avec les autres hommes suppose liberté, — et ce sentiment est plaisir. Mais l’universalité de ce plaisir pour chacun, universalité par laquelle on distingue le choix avec goût (du beau) d'pvec le choix par simple sensation physique (celui du plaisir purement subjectif), c'est-à-dire la sensation de l'agréable, entraine la notion d'une loi ; ce n'est définitivement qu'en conséquence de cette toi ique le plaisir peut valoir universellement pour ceux qui jugent. Or, la faculté représentative de l'universel est l’entendement. Donc le jugement de goût est tout à la fois un jugement esthétique et un jugement intellectuel, mais conçu dans la réunion des deux (le dernier n'est donc pas pur). — Le jugement critique d'un objet par le goût porte sur l'accord ou le désaccord de la liberté dans le jeu de l'imagination avec la légitimité de l'entendement, et il ne tend ainsi qu’à juger esthétiquement la forme (cette union possible des représentations sensibles), et non à produire des matériaux dans lesquels cette forme soit perçue, car ce serait du génie ; or l'emportement fougueux du génie a souvent besoin d'être modéré et limité par la moralité du goût.