Page:Kant - Anthropologie.djvu/212

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de juger par un mot (gustus, sapor) qui n’indique qu’un certain organe des sens (l’intérieur de la bouche), et la distinction ainsi que le choix des choses dont on peut jouir par le même organe ? — Il n’y a pas de position où l’usage de la sensibilité et de l’entendement réunis dans la jouissance puisse être prolongé aussi longtemps et être répété aussi souvent avec plaisir, que dans un bon dîner en bonne compagnie. — La première de ces conditions cependant ne doit être regardée que comme un véhicule pour l’entretien de la seconde. Le jugement esthétique du maître d’hôtel se montre donc dans l’habileté à choisir convenablement pour tout le monde ; ce qu’il ne peut faire par son propre sens, parce que ses hôtes se choisiraient d’autres aliments, d’autres boissons, chacun suivant son goût particulier. Il met son établissement sur un tel pied de diversité que chacun y trouve selon son goût ; ce qui donne une universalité comparative. Il ne peut pas être ici question de son habileté à choisir les hôtes mêmes dans l’intérêt d’une conversation réciproque et générale (qu’on appelle très bien encore du nom de goût, mais proprement raison dans son application au goût, et en tant que la raison diffère du goût). C’est ainsi que le sentiment organique a pu fournir, à l’aide d’un sens particulier, le nom d’un sentiment idéal, celui d’un choix d’une valeur affective universelle. — Un fait plus remarquable encore, c’est que l’habileté à reconnaître par les sens si quelque chose est un objet de jouissance d’un seul et même sujet (mais pas si son choix a une valeur uni-