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208 DU SENTIMENT.

de la sensibilité ordonné par l'entendement, tandis que l'éloquence est une affaire de l'entendement animée par la sensibilité; mais l'orateur et le poëte (dans le sens large) sont des poètes, et produisent d'eux-mêmes dans leur imagination de nouvelles formes (des compositions du sensible) (1). La faculté poétique est une capacité pour l'art, et forme par son union avec le goût un talent pour les beaux-arts. Elle poursuit en partie l'illusion (quoique douce, souvent même indirectement salutaire); elle ne peut manquer, d'avoir une grande (et souvent funeste) action dans la vie. — Il est donc bien inutile de soulever des questions et de faire des observations sur le caractère du poëte, sur l'influence qu'il reçoit de son art et qu'il exerce par là sur autrui. Pourquoi, parmi les beaux-arts (qui tiennent au

(i) La nouveauté de l'exposition d'une notion est une exigence capitale des beaux-arts de la part du poëte, alors même que la notion ne serait pas nouvelle. — Voici pour l'entendement (abstraction faite du goût) les expressions qui indiquent l'accroissement de nos connaissances par une nouvelle perception : — Découvrir quelque chose, percevoir pour la première fois ce qui existait déjà, par exemple l'Amérique, la force magnétique qui se dirige vers les pôles, l'électricité atmosphérique. — Inventer quelque chose (qui n'existait pas encore, le réaliser), par exemple le compas, l'aérostat. — Trouver quelque chose, retrouver par la recherche ce qui était perdu. — Imaginer et concevoir (par exemple des instruments pour des artistes, des machines).— Feindre avec la conscience de présenter comme vrai ce qui ne l'est pas, comme dans les romans, quand on ne le fait que par forme d'entretien. — Mais donner une fiction pour une vérité, c'est mentir.

Turpiter atrum desinit in piscem formosa superne. Horat.