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DE LA CRAINTE ET DU COURAGE. 227

gulation, poison ordinaire, section de la gorge, comme la corde peut être coupée par un autre, que le poison peut être évacué par l'effet d'une médecine, et la plaie de la gorge guérie, dans toutes ces manières d'attenter à sa vie, si le suicidé est sauvé, il n'en est ordinairement pas fâché, et n'y revient plus. Alors il y a lâche désespoir, résultat de la faiblesse, et non détermination vigoureuse, qui demande encore pour cette action une certaine force d'âme. Ce ne sont pas toujours des âmes méprisables et sans valeur qui se décident à jeter ainsi le fardeau de la vie; il est rare, au contraire, que les hommes qui n'ont aucun sentiment du véritable honneur soient portés à cette action. — Cependant, comme elle est toujours épouvantable, et que l'homme se rend ainsi monstrueux, il est remarquable que, dans les temps d'injustice publique et réputée légale d'un état révolutionnaire (par exemple à l'époque du Comité du salut public de la République française), des hommes honorables (tel que Roland) aient cherché à prévenir l'exécution légale par un suicide qu'ils auraient certainement réprouvé sous un régime constitutionnel. La raison en est qu'il y a toujours quelque chose de déshonorant dans une exécution légale, parce que c'est une peine, et que si l'exécution est injuste, celui qui est victime de la loi ne regardera pas cette peine comme méritée. Mais cela prouve qu'une fois condamné à mort, cette victime préfère mourir en homme libre et se tue lui-même. C'est pour la même raison que des tyrans (tel que Néron) donnaient, comme