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DES ÉMOTIONS QUI S AFFAIBLISSENT. 229

produit, mais qui, par leur violence, rendent en même temps incapables de l'éviter. Lequel est le plus à craindre, de celui qui pâlit dans une forte colère, ou de celui qui rougit! Le premier est plus à redouter dans le moment ; l'autre le sera bien davantage par la suite (à cause de la vengeance). Dans le premier de ces états, l'homme hors de soi a peur de lui-même ; il craint d'être poussé par la violence à faire de ses forces un usage qu'il pourrait regretter ensuite. Dans le second, cette crainte se convertit tout à coup en l'appréhension que la conscience de son impuissance à se défendre soi-même ne puisse être aperçue. Ces deux états, s'iJs peuvent éclater par un rapide saisissement de l'âme, ne sont pas préjudiciables à la santé; mais s'il en est autrement , outre qu'ils mettent la vie même en péril, ils laissent après eux, quand l'explosion est comprimée, une rancune, c'est-à-dire une humiliation de ne s'être pas bien vengé, humiliation qui peut être évitée si l'explosion en paroles au moins a été possible. Hais ces deux sortes d'émotions sont de nature à rendre muets, et à paraître ainsi sous un jour défavorable. Vemportement peut bien être corrigé par uue discipline intérieure de l'âme; mais la faiblesse d'un sentiment d'honneur excessivement délicat dans la honte n'est pas aussi facile à maîtriser. En effet, comme le dit Hume (qui avait eu lui-même cette faiblesse, — la timidité à parler en public), la première tentative de hardiesse, si elle échoue, rend