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CARACTÈRE Du PEUPLE. 313

ments de bienfaisance, inconnus à tous les autres peuples. — Mais l'étranger que le sort a jeté sur son territoire et qui est tombé dans une grande infortune, est toujours exposé à périr sur le fumier, parce qu'il n'est pas Anglais, c'est-à-dire pas homme.

Mais jusque dans sa propre patrie, où il mange pour son argent, l'Anglais s'isole. H prendra plus volontiers ses repas, seul dans sa chambre, qu'à l'hôtel, où il ne lui en coûte déjà pas davantage, parce qu'il serait ici obligé à quelque acte de politesse. Mais à l'étranger, par exemple en France, où les Anglais ne voyagent que pour médire affreusement des chemins et des hôtels (comme le D' Sharp), ils s'y réunissent pour n'avoir d'autre société que la leur. — Une chose particulière cependant, c'est que le Français aime généralement la nation anglaise et l'estime, tandis que l'Anglais, celui qui n'est par sorti de son pays, le hait généralement et le méprise, Ce n'est pas là une affaire de rivalité et de voisinage (puisque l'Angleterre se croit sans difficulté supérieure à la France), mais cet esprit de commerce, esprit qui, lorsqu'il s'agit de décider de la priorité de rang, est très insociable entre négociants du même peuple (1). Or il s'agit ici de deux peuples

(t) En général, l'esprit de commerce est essentiellement insociable , comme l'esprit aristocratique. Une maison (c'est ainsi que le marchand appelle son comptoir) est séparée d'une autre par ses affaires, comme nne maison seigneuriale l'est d'ane autre par des ponts-levis, et les relations amicales, sans cérémonies, n'existent pas entre elles; il faudrait donc qu'elles fussent des coprotégées d'une seule; mais alors elles ne pourraient se regarder comme en étant des membres.