Page:Kant - Anthropologie.djvu/373

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

sonnement. Du moins, celui que cette chimère ensorcelle ne peut jamais être amené par le raisonnement à douter de la réalité de sa prétendue sensation. On trouve aussi que des personnes qui font preuve d’une raison assez mûre dans d’autres cas, soutiennent néanmoins fermement qu’elles ont vu nettement des spectres, des figures hideuses, et qu’elles ont bien assez de sens pour enchaîner leur perception imaginaire en un certain nombre de subtils jugements de la raison. Cette propriété d’un esprit dérangé, de se représenter habituellement dans l’état de veille, sans qu’il y ait un degré particulièrement remarquable de maladie grave, comme clairement senties, de certaines choses dont néanmoins rien n’est présent, s’appelle hallucination. L’halluciné est donc un homme qui rêve dans l’état de veille. Si l’illusion ordinaire de ses sens n’est qu’une chimère partielle, et qu’il y ait en très grande partie sensation réelle, celui qui est très exposé à un pareil trouble est un fantaste. Quand, après le réveil, nous sommes dans une nonchalante et douce rêverie, notre imagination nous montre alors les figures irrégulières des rideaux du lit, ou de certaines parties d’une muraille voisine sous formes humaines, avec une régularité apparente qui ne nous occupe pas d’une manière désagréable ; mais dont nous pouvons en un instant dissiper l’illusion si nous voulons. Nous ne rêvons alors qu’en partie, et nous avons la chimère en notre puissance. Si quelque chose de semblable arrive, mais à un degré plus marqué, et sans que l’attention dans l’état de veille puisse faire la part de l’illusion dans l’imagination égarée, ce désordre fait présumer un fantaste. Cette illusion subjective dans les sensations est du reste très commune, et tant qu’elle est modérée elle est ainsi nommée par ménagement, quoique, si une passion vient à s’en mêler, cette faiblesse d’esprit dégénère en une véritable fantasterie. D’ailleurs, par un habituel aveuglement, les hommes ne voient pas ce qui existe ; ils voient ce que leur représente leur inclination : le naturaliste voit dans la pierre de Florence des villes, le dévot dans le marbre entrelacé l’histoire de la