Page:Kant - Anthropologie.djvu/403

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philosophiques qui peuvent s’élever sur la cause du fait. Il n’hésita cependant pas à traiter cette gravitation comme un véritable effet d’une activité universelle de la matière considérée dans ses rapports, et lui donna en conséquence le nom d’attraction. Ne serait-il pas possible de se représenter le phénomène des mobiles sensibles dans les natures pensantes, dans leurs rapports respectifs, en quelque sorte comme la conséquence d’une force véritablement active, par laquelle des natures spirituelles s’influencent mutuellement, de telle sorte que le sentiment moral fût cette dépendance sentie de la volonté individuelle à l’égard de la volonté générale, et une conséquence du commerce d’action et de réaction naturel et universel par lequel le monde immatériel tend à l’unité morale, puisqu’il se forme d’après les lois de cet enchaînement à lui propre en un système de perfection spirituelle ? Si l’on accorde à ces aperçus autant de vraisemblance qu’il en faut pour qu’il vaille la peine de les mesurer à leurs conséquences, on sera peut-être insensiblement porté, par leur attrait, à un parti en désaccord avec elles. Car alors les irrégularités semblent en grande partie s’évanouir, quand autrement elles sont en contradiction si manifeste et si étonnante avec les rapports moraux et physiques des hommes ici-bas. L’entière moralité des actions ne peut jamais avoir son plein effet, suivant le cours de la nature, dans la vie de l’homme revêtu d’un corps ; elle ne peut l’avoir que dans le monde spirituel, suivant des lois spirituelles encore. Les desseins vrais, les mobiles secrets d’un grand nombre d’efforts que l’impuissance condamne à la stérilité, la victoire remportée sur soi-même, ou quelquefois encore le vice caché par des actions bonnes en apparence, sont le plus souvent perdus, pour les suites physiques, dans l’état corporel ; mais ils devraient être envisagés, dans le monde immatériel comme des principes féconds, et exercer dans leur rapport d’après des lois spirituelles, en vue de la liaison de la volonté privée et de la volonté universelle, c’est-à-dire de l’unité et du tout du monde spirituel, une action conforme à la qualité morale de la volonté