Page:Kant - Anthropologie.djvu/415

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sensible dont il est la copie. Je demanderais donc qu’on m’accordât que la principale différence du mouvement nerveux dans les fantaisies, et du mouvement nerveux dans la sensation, consiste en ce que les lignes exprimant la direction du mouvement dans le premier cas se coupent en dedans du cerveau, et dans le second en dehors. Or, comme le focus imaginarius dans lequel est représenté l’objet, quand il y a sensation claire de l’état de veille, est placé hors de moi, et que celui des fantaisies que j’ai peut-être alors est placé au dedans de moi, je ne puis manquer, tant que je, veille, de distinguer les images, comme chimères de ma façon, de l’impression des sens.

Si l'on me fait cette concession, je crois pouvoir indiquer quelque chose d’intelligible comme cause de cette espèce de trouble de l’âme qu’on appelle délire (Wahnsinn), et, si le mal est plus profond, hallucination (Verrückung). Le propre de cette maladie consiste en ce que l’halluciné transporte de simples objets de son imagination hors de soi, et les regarde comme des choses qu’il aurait en face de lui. Or, j’ai dit que, d’après l’ordre général, les lignes exprimant la direction du mouvement, qui dans le cerveau accompagnent les fantaisies comme moyens matériels auxiliaires, doivent s’y couper, et par conséquent que le lieu où le cerveau a conscience de son image, y doit être conçu à l’état de veille. Quand donc j’ajoute que, si par l’effet de quelque accident ou d’une maladie, certains organes du cerveau sont tellement affectés et sortis du juste équilibre, que le mouvement des nerfs dont le jeu est en harmonie avec quelques fantaisies ait lieu suivant des directions qui, prolongées, se croiseraient hors du cerveau, alors le focus imaginarius est placé en dehors du sujet pensant[1], et l’image,

  1. On pourrait citer comme une ressemblance éloignée du cas cité la faculté qu’ont les personnes ivres de voir double des deux yeux, par la raison que la distension des vaisseaux sanguins s’oppose à ce que l'axe visuel se dirige de telle sorte que, s’ils étaient prolongés, ils se coupassent