Page:Kant - Anthropologie.djvu/442

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cette modération réfléchie et délibérée fera une simplicité sotte qui s’opposera à l’ennoblissement de notre nature. Les questions qui ont pour objet la nature de l’esprit, la liberté et la prédétermination, la vie future, etc., commencent par mettre en jeu toutes les facultés intellectuelles, et par leur excellence attirent l’homme dans la controverse animée de la spéculation, qui subtilise et tranche sans distinction, qui dogmatise, réfute comme il arrive toujours dans une connaissance d’apparence. Mais si ce genre de recherche prend le caractère d’une philosophie qui juge son propre procédé, et qui connaît non seulement les objets, mais leurs rapports à l’entendement humain, alors les limites se rapprochent, des bornes sont posées, qui ne permettent plus de vaguer en dehors du domaine propre. Nous avons eu besoin de quelque philosophie pour reconnaître les difficultés qui enveloppent une notion que chaque jour on agite comme si rien n’était plus commode. Un peu plus de philosophie écarte encore davantage cette ombre de connaissance, et nous montre qu’elle est tout à fait hors de la portée humaine. Car dans les rapports de cause et d’effet, de substance et d’acte, la philosophie sert tout d’abord à décomposer les phénomènes complexes, à les convertir en représentations plus simples. Mais si l'on finit par arriver aux rapports fondamentaux, l’œuvre de la philosophie touche alors à sa fin, et il est toujours impossible d’apercevoir comment quelque chose peut être une cause ou avoir une force ; ces rapports doivent simplement être pris de l’expérience. Notre règle rationnelle ne s’étend en effet qu’à la comparaison d’après l’identité et la contradiction. Or, en tant que quelque chose est une cause, quelque chose est alors posé par quelque autre chose, et aucun enchaînement n’est plus arbitraire (vermoege Einstimmung) ; de même que si je ne regarde pas cette même chose comme une cause, il n’en résulte pas une contradiction, parce qu’il n’est pas contradictoire, si quelque chose est, de supprimer par la pensée quelque autre chose. Les notions fondamentales des choses comme causes, celles des forces et des opérations, si elles ne sont pas