Page:Kant - Critique de la raison pratique (trad. Picavet).djvu/200

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par le fait que l'on peut obéir à cette loi, et par conséquent la pratiquer (Befolgung, mithin die Thunlichkeit desselben). Or, je puis être conscient d’avoir en moi une égale droiture de caractère, le respect n’en subsiste pas moins. Car, toute bonté (alles Gute) chez l’homme étant toujours imparfaite, la loi rendue visible (anschaulich) par un exemple, humilie cependant toujours mon orgueil : car l’imperfection, qui pourrait bien aussi s’attacher à l’homme que je vois devant moi, m’étant bien moins connue que la mienne, il m’apparaît dans un jour plus pur et me sert de mesure. Le respect est un tribut que nous ne pouvons refuser au mérite, que nous le voulions ou non ; si nous pouvons ne pas le laisser paraître extérieurement, nous ne pouvons nous empêcher cependant de l’éprouver intérieurement.

Le respect est si peu un sentiment de plaisir qu’on ne s’y laisse aller qu’à contre-cœur à l’égard d’un homme. On cherche à trouver quelque chose qui puisse en alléger le poids, une raison quelconque de blâme pour se dédommager de l’humiliation qui a été causée par un tel exemple. Les morts eux-mêmes, surtout si l’exemple qu’ils donnent parait ne pouvoir être imité, ne sont pas toujours à l’abri de cette critique, Bien plus (sogar), la loi morale elle-même, dans sa majesté solennelle, est exposée à ce que les hommes tournent contre elle les efforts qu’ils font pour se défendre du respect (ist diesem Bestrehen, sich der Achtung dagegen zu erwehren, ausgesetzt). Pense-t-on qu’il faille attribuer à une autre cause notre désir de rabaisser la loi morale