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ANALYSE DE LA CRITIQUE


et par conséquent la liberté est possible, voilà ce qui lui paraît établi, et tout ce qu’il a voulu montrer pour le moment ; il reviendra plus tard sur la thèse de la liberté pour en prouver la vérité,

Solution de la quatrième antinomie.

La quatrième et dernière antinomie, qui roule sur la question de savoir si tout est contingent ou s’il n’y a pas un être nécessaire, se résout de la même manière que la précédente : la solution consiste à montrer, en s’appuyant sur la distinction du sensible et de l’intelligible, que les deux thèses peuvent être vraies en même temps, l’une dans un sens, l’autre dans un autre. Il est vrai que, par rapport au monde sensible, tout a une existence dépendante d’une condition empirique, et qu’à ce point de vue nous devons toujours remonter de condition en condition sans nous arrêter jamais à une condition qui, à titre de substance existant par elle-même ou absolument indépendante, formerait le dernier terme de la série, ou serait placée en dehors de cette série ; mais il est vrai aussi qu’à un autre point de vue, au point de vue intelligible, toute la série peut bien avoir son fondement dans quelque existence indépendante de toute condition empirique et contenant le principe de tous les phénomènes. Si le monde était en soi tel qu’il se manifeste à nous dans l’ordre des phénomènes, il n’y aurait en effet de place nulle part pour une substance de ce genre, non plus que pour la liberté ; mais, si les phénomènes ne sont que de simples représentations et non des choses en soi, l’existence d’un être absolument nécessaire cesse d’être inadmissible, et elle peut très-bien se concilier avec la contingence universelle, comme, dans le problème précédent, la liberté peut se concilier avec la nécessité naturelle. La solution de la quatrième antinomie a donc ceci de commun avec celle de la précédente, qu’elle réduit à une pure apparence la contradiction des deux termes en montrant qu’ils peuvent être vrais tous deux ; il y a seulement entre elles cette différence que, dans le précédent problème, relatif à la liberté, la chose même (l’être humain, par exemple) pouvait être considérée comme faisant partie de la série des conditions du monde sensible, et que sa causalité seule était conçue comme intelligible, tandis qu’ici l’être nécessaire est conçu comme existant tout à fait en dehors de la série du monde sensible.