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DE LA RAISON PURE


vons, dit Kant (p. 82), parler d’espace, d’êtres étendus, etc., qu’au point de vue de l’homme. Que si nous sortons de la condition subjective sans laquelle nous ne saurions recevoir d’intuitions extérieures, c’est-à-dire être affectés par les objets, la représentation de l’espace ne signifie plus absolument rien. » Quand donc nous disons que toutes les choses sont juxtaposées dans l’espace, cela ne veut pas dire autre chose sinon que nous îles percevons ou qu’elles nous apparaissent ainsi et ne peuvent nous apparaître autrement en vertu de la constitution subjective de notre sensibilité ; mais cela ne signifie pas que, considérées en soi, indépendamment de notre manière de les percevoir, elles existent réellement ainsi. Est-ce à dire cependant qu’il en soit de l’espace comme de la couleur ou de la saveur, qui dépend aussi uniquement de la constitution subjective de notre sensibilité ? Il y a cette différence que la couleur ou la saveur n’est « qu’un effet de la sensation et qu’elle ne donne lieu à aucune représentation à priori, tandis que l’espace est une condition de la perception des objets, une forme de l’intuition qui, ne contenant aucune sensation ou aucun élément empirique, peut être représentée à priori et donner lieu à des concepts à priori, comme ceux des figures et de leurs rapports (v. p. 84).

La même analyse appliquée au temps, conduit à des résultats semblables.

Le temps, intuition à priori, forme du sens intérieur.

Nous ne nous représentons les choses, soit en nous, soit hors de nous, comme simultanées ou comme successives, que parce que le temps sert de fondement à toutes nos intuitions. La représentation du temps est donc en nous à priori : on ne saurait la dériver des intuitions, auxquelles elle sert de fondement ; elle est nécessaire : on peut bien retrancher du temps par la pensée tel ou tel phénomène, on ne saurait supprimer le temps lui-même. Aussi le temps, comme l’espace, donne-t-il lieu à des principes « apodictiques (comme celui-ci : le temps n’a qu’une dimension), que leur absolue généralité ne permet pas d’expliquer par l’expérience. On ne peut pas dire d’ailleurs que le temps soit un concept général (discursif) : « car nous nous le représentons comme un tout infini dont les différents temps que nous pouvons distinguer ne sont que des parties, et il faut bien par conséquent que cette représentation soit en nous à priori, puisqu’elle ne