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DE LA RAISON PURE


par le sens intérieur, et par conséquent selon la forme même de ce sens, il s’en suit que je ne me connais nullement comme je suis, mais comme je m’apparais à moi-même (v. p. 185). J’ai bien la conscience de moi-même comme d’une intelligence capable de ramener la diversité de toute intuition possible à l’unité de l’aperception ; mais cette conscience n’est pas encore la connaissance de moi : même : celle-ci exige en outre une intuition de la diversité qui est en moi et au moyen de laquelle je détermine une pensée qui sans cela serait vide de tout contenu, et cette condition sensible à laquelle elle est assujettie fait que le moi ne se connaît que comme il s’apparaît à lui-même.

Comment nous pouvons connaître à priori, par le moyen des catégories, des objets d’intuition sensible.

Ce point expliqué, une question reste encore pour achever ce que Kant appelle la déduction transcendentale des concepts purs de l’entendement ou des catégories. Il s’agit d’expliquer comment, par le moyen de ces catégories, nous pouvons connaître à priori des objets qui ne peuvent être d’ailleurs pour nous que des objets d’intuition sensible, ou comment nous pouvons prescrire en quelque sorte à la nature sa loi. La clef de cette difficulté se trouve dans cette réflexion que l’espace et le temps ne sont pas seulement représentés à priori comme de simples formes de l’intuition sensible, mais comme des intuitions où est déjà donnée l’unité de la synthèse de la diversité qui y est contenue. C’est ainsi que la géométrie se représente l’espace comme un objet dont les diverses parties forment une unité intuitive. Cette unité nécessaire de l’espace et du temps est le fondement de toute synthèse par laquelle j’unis en une perception les éléments divers de mon intuition empirique. C’est, par exemple, en prenant pour fondement l’unité de l’espace, que de l’appréhension des diverses parties d’une maison je me fais une perception de cette maison, dont je dessine en quelque sorte la forme sur ce fond. C’est ainsi encore qu’en appréhendant successivement deux états divers tels que l’état fluide et l’état solide, j’ai la perception du phénomène de la congélation de l’eau ; cette perception a son fondement dans l’unité du temps où je lie les deux états que je m’y représente. Cette synthèse n’est sans doute possible à son tour qu’au moyen des catégories qui ont leur siège dans l’entendement, comme celle de la quantité, ou celle de la causalité ; mais c’est dans les conditions mêmes de l’espace et du temps qu’elles trouvent à priori le moyen qui nous permet de les ap-