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DE LA RAISON PURE


toutes ses parties une quantité, ce passage est lui-même la production d’une perception qui passe, comme une quantité, par tous les degrés, dont aucun n’est le plus petit, depuis zéro jus qu’à tel degré déterminé ; c’est ainsi que nous pouvons connaître à priori la loi des changements quant à leur forme. « Nous n’anticipons, ajoute Kant (p. 269), que notre propre appréhension, dont la condition formelle doit pouvoir être connue à priori, puisqu’elle réside en nous antérieurement à tout phénomène donné. »

Troisième analogie : principe de la simultanéité des substances.

La troisième et dernière analogie concerne la simultanéité des substances, considérées au point de vue de la causalité. Le principe de cette simultanéité est ainsi formulé : Toutes les substances, en tant qu’elles peuvent être perçues comme simultanées dans l’espace, sont dans une action réciproque générale (p. 270). »

Les choses sont simultanées en tant qu’elles existent dans un seul et même temps. Mais, comme nous ne pouvons les percevoir que successivement, comment connaissons-nous qu’elles sont dans un seul et même temps ? C’est lorsque nous pouvons renverser à notre gré l’ordre de nos perceptions, par exemple commencer par la perception de la lune et passer de là à celle de la terre, ou réciproquement commencer par la perception de la terre et passer de là à celle de la lune. Mais cela même serait impossible si nous ne supposions pas une action réciproque entre les choses simultanées. En effet, imaginez les substances absolument isolées les unes des autres, de telle sorte qu’aucune n’agisse sur les autres et n’en subisse réciproquement l’influence, la perception qui irait de l’une à l’autre déterminerait bien l’existence de chacune d’elles, à mesure qu’elle se manifesterait à nous, mais comment pourrions-nous dire qu’elles existent simultanément ? Nous ne percevons pas le temps lui-même de manière à pouvoir par y assigner à priori à chaque chose sa place ; il faut donc, pour que nous puissions concevoir un rapport de simultanéité entre les objets que nous percevons successivement, admettre entre eux un rapport de communauté ou d’action réciproque. Sans ce principe, nous ne saurions concevoir les choses diverses autrement que comme successives, non comme simultanées, et à ce point de vue encore l’expérience serait impossible. Et de fait il est à remarquer dans nos expériences que les influences continuelles dans tous les lieux de