Page:Kant - Critique de la raison pure, I-Intro.djvu/56

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
xlv
DE LA RAISON PURE

Premier postulat : possibilité des choses.

Le premier postulat, celui de la possibilité des choses, exige que le concept de ces choses s’accorde avec les conditions formelles d’une expérience en général. Tout ce qui s’accorde avec ces conditions est possible. Un concept doit être tenu pour vide on sans objet si la synthèse qu’il contient n’appartient pas à l’expérience, réelle ou possible. Si cette synthèse est tirée de l’expérience même, le concept s’appelle un concept empirique ; si elle est simplement une condition à priori de l’expérience en général, le concept est alors un concept pur, mais qui appartient pourtant à l’expérience, puisque son objet ne peut être trouvé « que dans l’expérience. Tout concept qui n’est ni un concept empirique, ni une condition de l’expérience ne saurait justifier la possibilité de son objet. Ce postulat est de la plus grande importance pour empêcher l’esprit de s’égarer en de vaines chimères. Attribue-t-on, par exemple, à l’esprit la faculté de prévoir l’avenir par une sorte d’intuition directe, ou celle d’entrer en commerce avec d’autres esprits sans l’intermédiaire du corps et indépendamment de toute distance, il est aisé de voir que ce sont là de pures fictions, puisque de tels concepts ne se fondent sur aucune expérience, mais qu’ils sont au contraire en désaccord avec toutes les lois de l’expérience. Il y a sans doute des concepts dont nous pouvons reconnaître la possibilité sans recourir à l’expérience réelle : tels sont, par exemple, les concepts dont il a été précédemment question, celui de la permanence, etc. ; mais ces concepts ne s’appliquent pas moins à l’expérience dont ils déterminent les conditions ou à laquelle ils servent de règles, et c’est ainsi que nous sommes fondés à leur attribuer une valeur objective.

Deuxième postulat : réalité des choses.

Le premier postulat était ainsi formulé (p. 278) : Ce qui s’accorde avec les conditions formelles de l’expérience (quant à l’intuition et aux concepts) est possible ; la formule du second, relatif à la connaissance de la réalité des choses, est celle-ci (ibid.) : Ce qui s’accorde avec les conditions matérielles de l’expérience (de la sensation) est réel. Ce qui, d’après ce second postulat, détermine le caractère de la réalité, c’est la perception, c’est-à-dire la sensation, accompagnée de conscience, des objets dont l’existence doit être connu. Il y a, il est vrai, des choses dont nous pouvons connaître l’existence sans qu’elles soient pour nous l’objet d’une perception immédiate : « C’est ainsi, par exemple