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ANALYSE DE LA CRITIQUE


sens et de valeur pour nous (v. p. 308). Soit, par exemple, le concept de la causalité, il serait tout à fait sans valeur s’il ne trouvait dans l’intuition empirique du changement l’objet qui lui donne sa signification. Aussi ceux qui prétendent faire abstraction de ces conditions sensibles pour chercher dans l’entendement pur la définition de ce concept et de tous les autres du même genre, ne sauraient-ils produire qu’une vaine tautologie » L’usage des concepts purs de l’entendement ne peut jamais être qu’empirique, c’est-à-dire qu’il ne s’applique qu’aux objets de l’expérience, que ces concepts rendent possible. Il faut donc bannir de la science ce titre orgueilleux d’ontologie dont se pare cette espèce de métaphysique qui prétend nous donner, en s’appuyant sur les seuls principes de l’entendement, la connaissance des choses en soi, de la substance ou de la cause en soi ; le seul titre qui convienne ici est celui d’analytique de l’entendement pur.

Ceci nous conduit à la distinction établie par Kant entre les phénomènes et les noumènes. Puisque l’entendement n’a d’autre usage que de s’appliquer aux objets des sens pour en rendre possible la connaissance au moyen des conditions qui lui sont inhérentes, et que, d’ailleurs, ces objets ne nous sont pas donnés par nos sens tels qu’ils sont en soi, mais seulement comme ils nous apparaissent en vertu des conditions subjectives de notre sensibilité, il s’ensuit qu’en somme l’entendement ne nous fait connaître que des phénomènes, non des choses en soi. Transformer ses connaissances en connaissances des choses en soi est une vaine illusion. Mais, précisément parce que nous sommes forcés d’admettre que les concepts purs de l’entendement ne sont que des formes de la pensée, comme l’espace et le temps ne sont que les formes de l’intuition, et qu’ainsi les objets auxquels ils s’appliquent ne nous sont connus qu’à titre de phénomènes, nous établissons par là même une distinction entre les objets considérés ainsi et les choses telles qu’elles sont en soi, ou telles que les connaîtrait un entendement purement intuitif ; et nous opposons ainsi au concept des choses sensibles, ou des phénomènes, celui des choses intelligibles, ou des noumènes. Seulement ce dernier concept reste pour nous tout négatif : nous pouvons bien, en faisant abstraction de notre manière de percevoir les objets, les concevoir comme choses en soi ; mais nous ne pou-