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DE LA RAISON PURE


auquel Kant donne le nom d’antinomie de la raison pure, produit une scène de déchirement et de discorde à laquelle la critique peut seule mettre fin en dissipant la double illusion qui donne lien à cette antinomie, et avec elle cette antinomie elle-même. Tout ceci va se trouver expliqué par ce qui suit.

Système des idées cosmologiques, qui donnent lieu à ces antinomies.

Mais d’abord quelles sont les idées cosmologiques ? Il est nécessaire d’en tracer le système avant d’exposer le conflit qu’elles engendrent. Or pour cela il faut encore en revenir aux catégories ; car, comme la raison ne produit pas proprement de concept par elle-même, mais qu’elle ne fait qu’étendre ceux de l’entendement au delà des bornes des choses empiriques, les idées transcendentales auxquelles elle ramène l’ensemble des phénomènes (le monde), ou les Idées cosmologiques, ne sont autre chose que des catégories élevées jusqu’à l’absolu (p. 33) ; on doit donc pouvoir en tracer le tableau en suivant celui des catégories mêmes. Seulement il ne faut pas prendre ici toutes les catégories, mais uniquement celles où la synthèse constitue une série, et encore une série de conditions subordonnées entre elles suivant une ligne ascendante. Il s’agit en effet de faire de l’ensemble des phénomènes ou des conditionnels un tout inconditionnel ou absolu, et la raison, comme on l’a vu plus haut, ne peut exiger cette absolue totalité qu’autant qu’elle porte sur la série ascendante des conditions d’un conditionnel donné : elle n’a à s’inquiéter que des antécédents, non des conséquents, puisque ce ne sont pas ces derniers, mais seulement les premiers, qui rendent possibles les conditions données, ou que, en d’autres termes, pour comprendre parfaitement ce qui est donné dans le phénomène, nous n’avons pas besoin des conséquences, mais des principes (p. 35). Si donc on s’en tient aux catégories qui, sous chaque titre (quantité, qualité, etc.), impliquent nécessairement une série dans la synthèse du divers, on obtient quatre idées cosmologiques, qui expriment l’intégrité absolue, 1° de l’assemblage de tous les phénomènes donnés, considérés au point de vue, soit du temps, soit de l’espace ; 2° de la division d’un tout donné dans le phénomène (ou de la réalité dans l’espace, c’est à-dire de la matière) ; 3° de l’origine d’un phénomène en général (relation des effets et des causes) ; 4° de la dépendance de l’existence de ce qu’il y a de changeant dans le phénomène. Cette intégrité absolue ou cet inconditionnel peut être conçu de deux