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ESTHÉTIQUE TRANSCENDENTALE


qu’une vaine apparence. Or c’est là une absurdité que personne jusqu’ici n’a osé se charger de soutenir.

IV. Dans la théologie naturelle, où l’on conçoit un objet qui non-seulement ne peut être pour nous un objet d’intuition, mais qui ne saurait être pour lui-même l’objet d’aucune intuition sensible, on a bien soin d’écarter absolument de l’intuition qui lui est propre les conditions de l’espace et du temps (je dis de son intuition, car toute sa connaissance doit avoir ce caractère, et non celui de la pensée[ndt 1], qui suppose toujours des limites). Mais de quel droit peut-on procéder ainsi quand on a commencé par faire du temps et de l’espace des formes des choses en soi, et des formes telles qu’elles subsisteraient comme conditions à priori de l’existence des choses, quand même on supprimerait les choses elles-mêmes ? En effet, puisqu’elles sont les conditions de toute chose en général, elles devraient être les conditions de l’existence de Dieu. Que si l’on ne fait pas de l’espace et du temps des formes objectives de toutes choses, il ne reste plus qu’à en faire des formes subjectives de notre mode d’intuition, soit externe, soit interne. Ce mode est appelé sensible parce qu’il n’est pas originaire[ndt 2], c’est-à-dire tel que l’existence même de l’objet de l’intuition soit donnée par lui (un pareil mode de connaissance, autant que nous pouvons en juger, ne saurait convenir qu’à l’Être suprême), mais qu’il dépend de l’existence de l’objet, et que par conséquent il n’est possible qu’autant que la capacité représentative du sujet en est affectée.

Il est nécessaire aussi de limiter à la sensibilité de l’homme ce mode d’intuition qui consiste à se représenter

  1. Denken.
  2. Ursprünglich.