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PRÉFACE DE LA PREMIÈRE ÉDITION


place dans la première esquisse, mais j’y renonçai bientôt en considérant la grandeur de ma tâche et le nombre des objets dont j’avais à m’occuper. Remarquant, en effet, qu’à eux seuls ces objets, exposés sous une forme sèche et purement scolastique, donneraient à l’œuvre une étendue suffisante, je ne jugeai pas convenable de la grossir encore par des exemples et des éclaircissements qui ne sont nécessaires qu’au point de vue populaire, d’autant plus que ce travail ne saurait nullement revêtir ce caractère, et que les vrais connaisseurs en matière de science n’ont pas besoin d’un tel secours. Quelque agréable que pût être ce secours, il pourrait avoir aussi quelque chose de contraire à notre but. L’abbé Terrasson dit bien que si l’on mesure la longueur d’un livre, non d’après le nombre des pages, mais d’après le temps nécessaire pour l’entendre, il en est beaucoup dont on pourrait dire qu’ils seraient beaucoup plus courts s’ils n’étaient pas si courts. Mais, d’un autre côté, lorsqu’il s’agit de l’intelligence d’un vaste ensemble de connaissances spéculatives, se rattachant à un seul principe, on pourrait dire avec tout autant de raison que bien des livres auraient été beaucoup plus clairs s’ils n’avaient pas voulu être si clairs. En effet, si les moyens qui produisent la clarté sont utiles dans les détails, ils sont souvent nuisibles dans l’ensemble, en ne permettant pas au lecteur de l’embrasser assez tôt, et en recouvrant de leurs brillantes couleurs les articulations et la structure du système, choses pourtant si nécessaires pour qu’on en puisse apprécier l’unité et la valeur.

Ce ne doit pas être, ce me semble, une chose sans attrait pour le lecteur que de joindre ses efforts à ceux de l’auteur, en se proposant pour but d’accomplir entière-