Page:Kant - Critique de la raison pure, I.djvu/152

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ment des objets peuvent nous apparaître, sans qu’ils aient nécessairement besoin de se rapporter à des fonctions de l’entendement et sans que celui-ci par conséquent en contienne les conditions à priori. De là résulte une difficulté que nous n’avons pas rencontrée dans le champ de la sensibilité, celle de savoir comment des conditions subjectives de la pensée peuvent avoir une valeur objective, c’est-à-dire être les conditions de la possibilité de toute connaissance à priori ; car des phénomènes peuvent très-bien être donnés sans le secours des fonctions de l’entendement. Je prends, par exemple, le concept de la cause, qui signifie une espèce particulière de synthèse où à quelque chose A se joint, suivant une règle, quelque chose de tout à fait différent B. On ne voit pas clairement à priori pourquoi des phénomènes contiendraient quelque chose de pareil (car on ne saurait donner ici pour preuve des expériences, puisque la valeur objective de ce concept doit pouvoir être prouvée à priori) ; et par conséquent il est douteux à priori si un tel concept n’est pas tout à fait vide et s’il a quelque part un objet parmi les phénomènes. Il est clair, en effet, que des objets de l’intuition sensible doivent être conformes à certaines conditions formelles de la sensibilité résidant à priori dans l’esprit, puisqu’autrement ils ne seraient pas pour nous des objets ; mais on n’aperçoit pas aussi aisément pourquoi ils doivent en outre être conformes aux conditions dont l’entendement a besoin pour l’intelligence synthétique de la pensée[1]. Il se pourrait à la rigueur que les phénomènes fussent de telle nature que l’entendement ne les trouvât point du tout conformes aux conditions de

  1. Zur synthetischen Einsicht des Denkens.