Page:Kant - Critique de la raison pure, I.djvu/183

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quent dans l’unité synthétique originaire de l’aperception, je ne me connais pas tel que je m’apparais, ni tel que je suis en moi-même, mais j’ai seulement conscience que je suis. Cette représentation est une pensée, non une intuition. Mais, comme la connaissance de nous-mêmes exige, outre l’acte de la pensée qui ramène les éléments divers de toute intuition possible à l’unité de l’aperception, un mode déterminé d’intuition par lequel sont donnés ces éléments divers, ma propre existence n’est pas sans doute un phénomène (et à plus forte raison une simple apparence), mais la détermination de mon existence[1] ne peut avoir lieu que selon la forme du sens intérieur et d’après la manière particulière dont les éléments divers que j’unis sont donnés dans l’intuition interne, et par conséquent je ne me connais nullement comme je suis, mais seulement comme je m’apparais à moi-même. La conscience de soi-même est donc bien loin d’être une connaissance de soi-même, malgré toutes les catégories qui constituent la pensée d’un objet en général en reliant les

  1. Le je pense, exprime l’acte par lequel je détermine mon existence. L’existence est donc déjà donnée par la mais non la manière dont je dois déterminer cette existence, c’est-à-dire dont je dois poser les éléments divers qui lui appartiennent. Il faut pour cela une intuition de soi-même, qui a pour fondement une forme donnée à priori, c’est-à-dire le temps, lequel est sensible et appartient à la réceptivité du sujet à déterminer. Si donc je n’ai pas une autre intuition de moi-même qui donne ce qu’il y a en moi de déterminant bien que je n’aie conscience que de la spontanéité de ce déterminant, et qui le donne avant l’acte de la détermination, tout comme le temps donne ce qui est déterminable, je ne puis déterminer mon existence comme celle d’un être spontané ; mais je ne fais que me représenter la spontanéité de ma pensée, c’est-à-dire de mon acte de détermination, et mon existence n’est jamais déterminable que d’une manière sensible, c’est a-dire comme l’existence d’un phénomène. Cette spontanéité pourtant fait que je m’appelle une intelligence.