Page:Kant - Critique de la raison pure, I.djvu/245

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qui changent. Mais je ne vois nulle part qu’on ait essayé de donner une preuve de cette proposition synthétique ; et même elle ne figure que rarement, comme il lui conviendrait pourtant, en tête de ces lois pures et entièrement à priori de la nature. Dans le fait, dire que la substance est permanente, c’est là une proposition tautologique. En effet, cette permanence est l’unique raison pour laquelle nous appliquons au phénomène la catégorie de la substance, et il aurait fallu prouver que dans tous les phénomènes il y a quelque chose de permanent, dont le changeant ne fait que modifier l’existence. Mais, comme une telle preuve ne peut être donnée dogmatiquement, c’est-à-dire au moyen de concepts, puisqu’elle suppose une proposition synthétique à priori, et comme on ne s’est jamais avisé de songer que des propositions de ce genre n’ont de valeur que par rapport à l’expérience possible, et par conséquent ne peuvent être prouvées qu’au moyen d’une déduction de la possibilité de l’expérience, il n’est pas étonnant que, tout en donnant cette proposition synthétique pour fondement à toute expérience (parce qu’on en sent le besoin dans la connaissance empirique), on ne l’ait jamais prouvée.

On demandait à un philosophe : combien pèse la fumée ? Il répondit : retranchez du poids du bois brûlé celui de la cendre qui reste, et vous aurez le poids de la fumée. Il supposait donc comme une chose incontestable que même dans le feu la matière (la substance) ne périt pas, et que sa forme seule subit un changement. De même la proposition : rien ne sort de rien, n’est qu’une autre conséquence du principe de la permanence, ou plutôt de l’existence toujours subsistante du sujet propre des phénomènes. Car, pour que ce qu’on nomme subs-