Page:Kant - Critique de la raison pure, I.djvu/250

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vrait son existence, ou, en d’autres termes, un commencement ou une fin de la substance elle-même. Ce principe aurait pu encore être formulé ainsi : toute succession des phénomènes n’est que changement ; car le commencement ou la fin de la substance ne sont pas des changements de cette substance, puisque le concept de changement suppose le même sujet existant avec deux déterminations opposées, par conséquent permanent. — Après cet avertissement, venons à la preuve.)

Je perçois que des phénomènes se succèdent, c’est-à dire qu’un certain état des choses existe à un moment, tandis que le contraire existait dans l’état précédent. Je relie donc, à proprement parler, deux perceptions dans le temps. Or cette liaison n’est pas l’œuvre du simple sens et de l’intuition, mais le produit d’une faculté synthétique de l’imagination, qui détermine le sens intérieur relativement aux rapports de temps. C’est cette faculté qui relie entre eux les deux états de telle sorte que l’un ou l’autre précède dans le temps ; car le temps ne peut pas être perçu en lui-même, et c’est uniquement par rapport à lui que l’on peut déterminer dans l’objet, empiriquement en quelque sorte, ce qui précède et ce qui suit. Tout ce dont j’ai conscience, c’est donc que mon imagination place l’un avant et l’autre après, mais non pas que dans l’objet un état précède l’autre ; en d’autres termes, la simple perception laisse indéterminé le rapport objectif des phénomènes qui se succèdent. Or pour que ce rapport puisse être connu d’une manière déterminée, il faut que la relation entre les deux états soit conçue de telle sorte que l’ordre dans lequel ils doivent être placés se trouve par là déterminé comme nécessaire, celui-ci avant, celui-là après, et non dans l’ordre inverse. Mais le