Page:Kant - Critique de la raison pure, I.djvu/261

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le fondement de toute expérience possible, c’est-à-dire de la connaissance objective des phénomènes au point de vue de leur rapport dans la succession du temps.

La preuve de ce principe réside uniquement dans les considérations suivantes. Toute connaissance empirique suppose la synthèse des éléments divers opérée par l’imagination, laquelle est toujours successive, ce qui veut dire que les représentations y viennent toujours les unes après les autres. Mais l’ordre de succession (ce qui doit précéder et ce qui doit suivre) n’est nullement déterminé dans l’imagination, et la série de l’une des représentations qui se suivent peut être prise en remontant aussi bien qu’en descendant. Or, si cette synthèse est une synthèse de l’appréhension (des éléments divers d’une intuition donnée), l’ordre est déterminé dans l’objet, ou, pour parler plus exactement, il y a, dans la synthèse successive qui détermine un objet, un ordre d’après lequel quelque chose doit nécessairement précéder, et, ce quelque-chose une fois posé, quelque autre chose suivre nécessairement. Pour que ma perception puisse impliquer la connaissance d’un événement ou de quelque chose qui arrive réellement, il faut donc qu’elle soit un jugement empirique où je conçoive que la succession est déterminée, c’est-à-dire que cet événement suppose dans le temps, un autre phénomène qu’il suit nécessairement, ou selon une règle. Autrement, si, l’antécédent étant donné, l’événement ne le suivait pas nécessairement, il me faudrait le tenir pour un jeu subjectif de mon imagination, et regarder comme un pur rêve ce que je pourrais m’y représenter encore d’objectif. Le rapport en vertu duquel, dans les phénomènes (considérés comme perceptions possibles), l’existence de ce qui suit (de ce qui ar-