Page:Kant - Critique de la raison pure, I.djvu/266

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toutes les choses non plus comme des phénomènes, mais comme des choses en soi et comme des objets de l’entendement seul, elles peuvent être considérées, bien qu’elles soient des substances, comme dépendantes, quant à leur existence, d’une cause étrangère ; mais cela suppose une tout autre acception des mots et ne s’applique plus aux phénomènes, comme à des objets possibles d’expérience.

Mais comment en général quelque chose peut-il être changé, ou comment se fait-il qu’à un état qui a lieu dans un certain moment puisse succéder, dans un autre moment, un état opposé ? C’est ce dont nous n’avons pas à priori la moindre notion. Nous avons besoin pour cela de la connaissance des forces réelles, par exemple des forces motrices, ou, ce qui revient au même, de certains phénomènes successifs (comme mouvements) qui révèlent des forces de ce genre, et cette connaissance ne peut nous être donnée qu’empiriquement. Mais la forme de tout changement, la condition sans laquelle il ne peut s’opérer, comme événement résultant d’un autre état (quel qu’en soit d’ailleurs le contenu, c’est-à-dire quel que soit l’état qui est changé), par conséquent la succession des états mêmes (la chose qui arrive) peut toujours être considérée à priori suivant la loi de la causalité et les conditions du temps[1].

Quand une substance passe d’un état a à un autre b, le moment du second est distinct de celui du premier, et le suit. De même le second état, comme réalité (dans le

  1. Qu’on remarque bien que je ne parle pas du changement de certaines relations mais d’un changement d’état. Ainsi, quand un corps se meut uniformément, son état (de mouvement) ne change pas : il ne change que quand son mouvement croît ou diminue.