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PRÉFACE DE LA SECONDE ÉDITION


la raison pure spéculative. Cette critique est un traité de la méthode, et non un système de la science même ; mais elle en décrit pourtant toute la circonscription, et elle en fait connaître à la fois les limites et toute l’organisation intérieure. C’est que la raison pure spéculative a ceci de particulier qu’elle peut et doit estimer exactement sa propre puissance, suivant les diverses manières dont elle se choisit les objets de sa pensée, faire même un dénombrement complet de toutes les façons différentes de se poser des problèmes, et se tracer ainsi tout le plan d’un système de métaphysique. En effet, en ce qui regarde le premier point, rien dans la connaissance à priori ne peut être attribué aux objets, que ce que le sujet pensant tire de lui-même ; et, pour ce qui est du second, la raison pure constitue par elle-même, au point de vue des principes de la connaissance, une unité tout à fait à part, où, comme dans un corps organisé, chaque membre existe pour tous les autres et tous pour chacun, et où nul principe ne peut être pris avec certitude sous un point de vue, sans avoir été examiné dans tous ses rapports avec l’usage entier de la raison pure. Aussi la métaphysique a-t-elle ce rare bonheur, qui ne saurait être le partage d’aucune autre science rationnelle ayant affaire à des objets (car la logique ne s’occupe que de la forme de la pensée en général), qu’une fois placée par la critique dans le sûr chemin de la science, elle peut embrasser complètement tout le champ des connaissances qui rentrent dans son domaine, achever ainsi son œuvre, et la transmettre à la postérité comme une possession qui ne peut plus être augmentée, puisqu’il ne s’agit que de déterminer les principes et les limites de son usage et que c’est elle-même qui les détermine. Elle est donc tenue,