Page:Kant - Critique de la raison pure, I.djvu/315

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de la sensibilité, comme les formes de l’intuition, l’espace et le temps ; elles semblent donc autoriser une application qui s’étende au delà de tous les objets des sens. Mais, d’un autre côté, elles ne sont que des formes de la

    pourtant puissent être données, en cette qualité, à l’intuition, non pas, il est vrai, à l’intuition sensible, mais à une sorte d’intuition intellectuelle (coram intuitu intellectuali), ces choses s’appelleraient des noumènes (intelligibilia).

    On devrait penser que le concept des phénomènes, limité par l’esthétique transcendentale, donne déjà par lui-même la réalité objective des noumènes, et justifie la division des objets en phénomènes et noumènes, par conséquent aussi du monde en monde sensible et monde intelligible (mundus sensibilis et intelligibilis), en ce sens que la différence ne porte pas simplement sur la forme logique de la connaissance obscure ou claire d’une seule et même chose, mais sur la manière dont les objets peuvent être donnés originairement à notre connaissance et d’après laquelle ils se distinguent eux-mêmes essentiellement les uns des autres. En effet, quand les sens nous représentent simplement quelque chose tel qu’il apparaît, il faut pourtant que ce quelque chose soit aussi une chose en soi, l’objet d’une intuition non sensible, c’est-à-dire de l’entendement ; c’est-à-dire qu’il doit y avoir une connaissance possible où l’on ne trouve plus aucune sensibilité, et qui seule ait une réalité absolument objective, en ce sens que les objets nous seraient représentés par elle tels qu’ils sont, tandis que, au contraire, dans l’usage empirique de notre entendement, les choses ne sont connues que comme elles apparaissent. Il y aurait donc, outre l’usage empirique des catégories (lequel est limité aux conditions sensibles) un usage pur et ayant pourtant une valeur objective, et nous ne pourrions affirmer ce que nous avons avancé jusqu’ici, que nos connaissances purement intellectuelles ne sont en général rien autre chose que des principes servant à l’exposition du phénomène, et qui même ne vont pas à priori au delà de la possibilité formelle du phénomène : ici en effet s’ouvrirait devant nous un tout autre champ ; un monde en quelque sorte serait conçu dans l’esprit (peut-être même perçu) qui pourrait occuper notre entendement pur non moins sérieusement que l’autre et même beaucoup plus noblement.

    Toutes nos représentations sont dans le fait rapportées à quelque objet par l’entendement, et comme les phénomènes ne sont rien que des représentations, l’entendement les rapporte à quelque chose, comme à un objet de l’intuition sensible ; mais ce quelque chose n’est sous ce rapport que l’objet transcendental. Or par là il faut entendre quelque chose = x, dont nous ne savons rien du tout et dont en général (d’après