Page:Kant - Critique de la raison pure, I.djvu/329

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tité), et il suffit qu’on les perçoive en même temps dans des lieux différents pour les regarder comme numériquement distinctes. Leibnitz prenait les phénomènes pour des choses en soi, par conséquent pour des intelligibilia, c’est-à-dire pour des Objets de l’entendement pur (bien qu’il les désignât sous le nom de phénomènes à cause de l’obscurité des représentations que nous en avons), et à ce point de vue son principe des indiscernables (principium identitatis indiscernibilium) était certainement inattaquable ; mais, comme ce sont des objets de la sensibilité et que l’usage de l’entendement par rapport à eux n’est pas pur, mais simplement empirique, la pluralité et la diversité numérique sont déjà données par l’espace même, comme condition des phénomènes extérieurs. En effet une partie de l’espace, quoique parfaitement égale et semblable à une autre, est cependant en dehors d’elle, et elle est précisément par là une partie distincte de cette autre partie qui s’ajoute à elle pour constituer un espace plus grand, et il en doit être de même de toutes les choses qui sont en même temps en différents lieux de l’espace, quelque semblables et quelque égales qu’elles puissent être d’ailleurs.

2o Convenance et disconvenance. Quand la réalité ne nous est représentée que par l’entendement pur (realitas noumenon), on ne conçoit pas qu’il puisse y avoir entre les réalités aucune disconvenance, c’est-à-dire un rapport tel qu’unies en un sujet elles suppriment réciproquement leurs effets, et 3−3 = 0. Au contraire les réalités phénoménales (realitas phænomenon) peuvent certainement être opposées entre elles, et, bien qu’unies dans le même sujet, annihiler les effets l’une de l’autre, comme, par exemple, deux forces motrices agissant sur une même