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CRITIQUE DE LA RAISON PURE


liberté et avec elle la moralité (dont le contraire ne renferme pas de contradiction, quand on ne suppose pas préalablement la liberté) disparaissent devant le mécanisme de la nature. Mais, comme il suffit, au point de vue de la morale, que la liberté ne soit point contradictoire et que, par conséquent, elle puisse être conçue, et comme, dès qu’elle ne fait point obstacle au mécanisme naturel de la même action (prise dans un autre sens), il n’y a pas besoin d’en avoir une connaissance plus étendue, la morale peut garder sa position pendant que la physique conserve la sienne. Or c’est ce que nous n’aurions pas découvert, si la critique ne nous avait pas instruits préalablement de notre inévitable ignorance relativement aux choses en soi, et si elle n’avait pas borné aux simples phénomènes toute notre connaissance théorétique. On peut aussi montrer cette même utilité des principes critiques de la raison pure relativement à l’idée de Dieu et à celle de la simplicité de notre âme, mais je laisse cela de côté pour aller plus vite. Je ne saurais donc admettre Dieu, la liberté et l’immortalité selon le besoin qu’en a ma raison dans son usage pratique nécessaire, sans repousser en même temps les prétentions de la raison spéculative à des vues transcendantes ; car, pour arriver là, il lui faut employer des principes qui, ne s’étendant en réalité qu’à des objets d’expérience possible, transforment toujours en phénomène celui auquel on les applique, alors même qu’il ne peut être un objet d’expérience, et déclarent ainsi impossible toute extension pratique de la raison pure. J’ai donc dû supprimer le savoir[ndt 1] pour y substituer la croyance[ndt 2]. Le dogmatisme en métaphysique, c’est-à-dire

  1. Das Wissen.
  2. Das Glauben.