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CRITIQUE DE LA RAISON PURE

III

La philosophie a besoin d’une science qui détermine à priori la possibilité, les principes et l’étendue de toutes nos connaissances.

Une chose plus importante encore à remarquer que tout ce qui précède, c’est que certaines connaissances sor-


    tions, l’Introduction, qui en tout n’en comprenait que deux (I. Idée de la philosophie transcendentale, et II. Division de cette même philosophie), contenait simplement ce qui suit :

    « L’expérience est sans aucun doute le premier produit de notre entendement mettant en œuvre la matière brute des impressions sensibles. Elle est donc le premier enseignement, et cet enseignement est tellement inépuisable dans son développement que toute la chaîne des générations futures ne manquera jamais de connaissances nouvelles recueillis sur ce terrain. Pourtant elle est loin d’être le seul champ où se borne notre entendement. Elle nous dit bien ce qui est, mais non pas ce qui est nécessairement et ne peut être autrement. Aussi ne nous donne-t-elle pas une véritable universalité, et la raison, qui est si avide de cette espèce de connaissances, est-elle plutôt excitée par elle que satisfaite. Des connaissances universelles, ayant en même temps le caractère d’une nécessité intrinsèque, doivent être claires et certaines par elles-mêmes, indépendamment de l’expérience ; on les nomme pour cette raison des connaissances à priori. Au contraire ce qui est simplement emprunté de l’expérience n’est connu, suivant les expressions consacrées, qu’à posteriori, ou empiriquement.

    « Il y a maintenant une chose très-remarquable, c’est que même à nos expériences se mêlent des connaissances qui ont nécessairement une origine à priori, et qui peut-être ne servent qu’à lier nos représentations sensibles. En effet, si de ces expériences on écarte tout ce qui appartient aux sens, il reste encore certains concepts primitifs avec les jugements qui en dérivent, et ces concepts et ces jugements doivent se produire tout à fait à priori, c’est-à-dire indépendamment de l’expérience, puisqu’ils font que l’on peut dire, ou du moins que l’on croit pouvoir dire, des objets qui apparaissent à nos sens, plus que ce que nous enseignerait la seule expérience, et que ces assertions impliquent une véritable universalité et une nécessité absolue que la connaissance purement empirique ne saurait produire. »