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CRITIQUE DE LA RAISON PURE


il doit être possible d’arriver, sur les objets des questions métaphysiques, à une certitude, soit de connaissance, soit d’ignorance, c’est-à-dire de décider si la raison pure peut ou ne peut pas porter quelque jugement à leur égard, et par conséquent d’étendre avec confiance son domaine, ou de lui fixer des limites précises et sûres. Cette dernière question, qui découle du problème général précédemment posé, revient à celle-ci : comment la métaphysique est-elle possible à titre de science ?

La critique de la raison finit donc nécessairement par conduire à la science ; au contraire l’usage dogmatique de la raison sans critique ne conduit qu’à des assertions sans fondement, auxquelles on en peut opposer d’autres tout aussi vraisemblables, c’est-à-dire, en un mot, au scepticisme.

Aussi cette science ne peut-elle avoir une étendue bien effrayante, car elle n’a point à s’occuper des objets de la raison, dont la variété est infinie, mais de la raison elle-même, ou des problèmes qui sortent de son sein et qui lui sont imposés, non par la nature des choses, fort différentes d’elle-même, mais par sa propre nature. Dès qu’elle a appris d’abord à connaître parfaitement sa puissance relativement aux objets qui peuvent se présenter à elle dans l’expérience, il devient alors facile de déterminer d’une manière complète et certaine l’étendue et les limites de l’usage qu’on en peut tenter en dehors de toute expérience.

On peut donc et l’on doit considérer comme non avenues toutes les tentatives faites jusqu’ici pour constituer dogmatiquement la métaphysique. En effet, ce qu’il y a d’analytique dans telle ou telle doctrine de ce genre, c’est-à-dire la simple décomposition des concepts qui résident à priori dans notre raison ne représente que les préliminaires de la métaphysique, et nullement le