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ANALYSE CRITIQUE


manière d’honorer Dieu, c’est de travailler à se rendre meilleur.


La seconde partie de l’éthique de Kant, la méthodologie 1[1], a particulièrement trait à l’enseignement de la vertu, et touche ainsi au grand problème de l’éducation, qui a été de la part de notre philosophe l’objet d’une étude spéciale, dont il me reste à parler, pour compléter cette exposition critique de la morale kantienne.


« C’est dans le problème de l’éducation que gît le grand secret du perfectionnement de l’humanité. » Ces paroles du philosophe de Kœnigsberg expriment la pensée générale du dix-huitième siècle. Dans son ardeur à poursuivre le progrès, il comprit bien, ce siècle des lumières (comme il s’est justement appelé lui-même), que /éducation en est l’instrument le plus puissant et que l’avenir de l’espèce humaine dépend de là. Aussi entreprit-il de réformer tout le système de l’éducation, en remontant à ses premiers principes et en l’appropriant à la destination que nous assigne notre nature, affranchie de ses vieilles entraves et désormais mieux connue. Cette grande idée ne trouva nulle part un apôtre plus fervent à la fois et plus sage que le réformateur de la philosophie allemande. On raconte que, quand il reçut l’Émile de Rousseau, il le lut avec une telle avidité que la régularité de ses promenades en fut un instant troublée ; il ne fallait rien moins que l’apparition d’un tel livre ou qu’un événement comme la Révolution française pour opérer en lui un pareil miracle. Mais, s’il admirait beaucoup ce beau livre, s’il en aimait les intentions généreuses, s’il en adoptait certains principes, il en savait très-bien aussi discerner les exagérations et les erreurs. En matière d’éducation, Kant est à beaucoup d’égards un disciple de Rousseau, mais c’est un disciple indépendant et qui excelle à corriger son maître. Les devoirs même de sa profession l’appelaient à exposer ses propres idées sur cette grave matière ; car, en sa qualité de professeur de philosophie

  1. 1 Plus haut, p. li.