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DOCTRINE DE LA VERTU


à d’autres fins (celles de l’art), mais la raison moralement pratique qui le lui ordonne absolument : elle lui fait de cette fin un devoir, qu’il doit remplir pour se rendre digne de l’humanité qui réside en lui. 2o C’est pour lui un autre devoir de pousser la culture de sa volonté jusqu’au plus pur sentiment de la vertu, c’est-à-dire de donner la loi même pour mobile à ses actions, quand il agit conformément au devoir, et d’obéir à cette loi par devoir, ce qui est, en matière de pratique morale, la perfection intérieure. Ce sentiment, qui est l’effet produit en nous par une volonté, qui se donne à elle-même sa loi, sur notre faculté d’agir conformément à cette loi, s’appelle le sens moral (c’est comme un sens spécial, sensus moralis) ; et, quoique l’on en abuse souvent, en s’imaginant qu’il précède la raison (semblable au génie de Socrate), ou qu’il peut se passer de ses jugements, il est pourtant une perfection morale, qui consiste à se faire sa propre fin de toute fin particulière qui est en même temps un devoir.


B.


BONHEUR D’AUTRUI.


La nature humaine désire et recherche inévitablement le bonheur, c’est-à-dire un contentement de son état dont la durée soit certaine ; mais ce n’est pas pour cela une fin qui soit en même temps un devoir. – Comme quelques philosophes font encore une distinction entre le bonheur moral et le bonheur physique (le premier qui consiste dans le contentement de notre personne et de notre propre valeur morale, et par conséquent