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DOCTRINE DE LA VERTU


rien à perdre, mais tout à gagner à professer cette foi en se plaçant par la pensée devant celui qui sonde les cœurs, afin d’obtenir ainsi sa faveur dans tous les cas. Il se ment encore à lui-même lorsque, sans mettre en doute l’existence de ce juge suprême, il se flatte d’obéir à sa loi par respect pour elle, tandis qu’il ne sent en lui d’autre mobile que la crainte du châtiment.

Le défaut de pureté[1] en matière de conscience n’est autre chose qu’un manque de délicatesse de conscience[2], c’est-à-dire de sincérité dans la confession que l’on fait devant son juge intérieur, qu’on se représente comme une autre personne. Par exemple, à traiter les choses à l’extrême rigueur, c’est déjà tomber dans un défaut de ce genre, que de prendre, par amour de soi, un désir pour le fait même, parce qu’il a pour objet une fin bonne en elle-même. Le mensonge intérieur, qui pourtant est contraire au devoir de l’homme envers lui-même, reçoit ici le nom de faiblesse ; elle est semblable à celle d’un amant à qui son désir de ne trouver que des qualités dans la femme qu’il aime rend invisibles les défauts les plus saillants. — Cependant ce manque de sincérité dans les jugements que l’on porte sur soi-même mérite le blâme le plus sévère ; car, dès qu’une fois le principe suprême de la véracité a été ébranlé, le fléau de la dissimulation (qui semble avoir ses racines dans la nature humaine) ne tarde pas à s’étendre jusque dans nos relations avec les autres hommes.

  1. Unlauterkeit.
  2. Gewissenhaftigkeit.