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DEVOIRS ENVERS SOI-MÊME.


Questions casuistiques.


Comme il ne s’agit ici que de devoirs envers soi-même, et que la cupidité (le désir insatiable d’acquérir) en vue de la dépense, de même que l’avarice (la crainte la dépense), ont leur fondement dans l’amour de soi (solipsismus), et ne paraissent condamnables que parce qu’elles conduisent à l’indigence, la prodigalité à une indigence inattendue, l’avarice à une indigence volontaire (puisqu’elle suppose la résolution de vivre misérablement), — la question est de savoir si l’une comme l’autre ne mériteraient pas plutôt le titre d’imprudence que celui de vice, et si par conséquent elles ne sont pas tout à fait en dehors de la sphère des devoirs envers soi-même. Mais l’avarice n’est pas seulement une économie mal entendue ; elle est une soumission servile de soi-même aux biens de la fortune, qui ne nous permet plus d’en rester le maître, et qui est une transgression du devoir envers soi-même. Elle est opposée à la libéralité (liberalitas moralis) des sentiments en général[1] (je ne dis pas à la générosité[2], liberalitas sumptuosa, laquelle n’est que l’application de la première à un cas particulier), c’est-à-dire au principe de l’indépendance à l’égard de toute autre chose que la loi, et elle est ainsi une fraude dont l’homme se rend coupable envers lui-même. Mais qu’est-ce qu’une loi que le législateur intérieur ne sait où appliquer ? Dois-je diminuer mes dépenses de table ou mes dépenses extérieures ? dans

  1. Der Denkungsart.
  2. Freigebigkeit.