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PÉDAGOGIE.


ments ne valent rien, car ils les rendent importuns. Ce1a vaudrait mieux cependant, s’ils s’apprenaient eux-mêmes à tailler un roseau, ou ils pussent souffler. —

La balançoire est encore un bon mouvement ; les adultes mêmes peuvent s’en servir pour leur santé ; seulement les enfants ont besoin ici d’être surveillés, parce que le mouvement peut être très-rapide. Le cerf-volant est également un jeu inoffensif. Il cultive l’habileté, car l’élévation du cerf-volant dépend d’une certaine position relativement au vent.

Dans l’intérêt de ces jeux l’enfant se refuse d’autres besoins, et il apprend ainsi insensiblement à s’imposer d’autres privations et de plus graves. De plus il s’accoutume par là à une continuelle occupation, mais ses jeux ne doivent pas non plus être de purs jeux : il faut qu’ils aient un but. En effet, plus son corps se fortifie et s’endurcit de cette manière, plus il s’assure contre les conséquences désastreuses de la mollesse. Aussi la gymnastique doit-elle se borner à guider la nature ; elle ne doit pas rechercher des grâces forcées. C’est la discipline qui doit avoir le premier pas, et non pas l’instruction[1]. Il ne faut pas oublier non plus, en cultivant le corps des enfants, qu’on les forme pour la société. Rousseau dit : « Vous ne parviendrez jamais à faire des sages, si vous ne faites d’abord des polissons[2]. » Mais on fera plutôt d’un enfant éveillé un homme de bien que d’un impertinent un garçon discret. L’enfant ne doit pas être importun en société, mais il ne doit pas non plus s’y montrer insinuant. Il doit, avec ceux qui l’attirent à eux, se montrer familier, sans importunité ; franc, sans impertinence. Le moyen de le conduire à ce but, c’est de ne rien gâter, de ne pas lui donner des idées de bienséance, qui ne feraient que le rendre timide et sauvage, ou qui, d’un autre côté, lui suggéreraient l’envie de se faire valoir. Rien n’est plus ridicule chez un enfant qu’une prudence de vieillard, ou qu’une sotte présomption. Dans ce dernier cas c’est notre devoir de faire d’autant plus sentir à l’enfant ses défauts, mais en ayant soin aussi de ne pas trop lui faire

  1. Information.
  2. C’est dans le livre II de l’Émile que se trouvent ces paroles, traduites ici par Kant et citées sans doute de mémoire.xxJ.B.